Ajournement à deux ans d’une demande de naturalisation française par décret / Annulations de l’ajournement par le juge
A / Par l'erreur manifeste d'appréciation, le juge de
l'excès de pouvoir censure la décision d’ajournement à deux ans opposée à une
demande de naturalisation par décret du ministre chargé des naturalisations
alors que ce dernier faisait valoir que le parcours professionnel de
l'intéressé accompli dans le cadre de contrats à durée déterminée, et, parfois,
interrompus, ne permet pas, en l'état, de considérer qu'il a pleinement réalisé
son insertion professionnelle puisqu'il ne dispose pas de ressources stables et
suffisantes.
Le juge prononce le rejet de la demande d'annulation
du ministre de l'intérieur du jugement par lequel le tribunal administratif a
annulé sa décision de septembre 2020 et lui a enjoint de procéder au réexamen
de la demande de naturalisation de l'intéressé dans un délai de deux mois à
compter de la notification du jugement (Le ministre chargé des naturalisations
procédera donc au réexamen du dossier de demande de naturalisation de
l'intéressé dans un délai de deux mois…).
Enfin, le juge condamne l'Etat à verser à l'intéressé
une somme de 1 500 euros en vertu de la législation y afférente*.
L'intéressé porte, ci-après, le surnom de M. SENHOME
D. À suivre !
En droit des étrangers et en droit de l'asile, entre
autres spécialités, n'hésitez pas à demander conseil à votre avocat.
Maître TALL Amadou
Avocat à la Cour d’Appel de Paris
Avocat au Barreau de la
Seine-Saint-Denis
23, rue de CARENCY
93000 BOBIGNY
Courriel : av4.tall@gmail.com
Tél. 06 11 24 17 52 – 01 40 12 04 50
Tél. 00336 11 24 17 52 – 00 331 40
12 04 50
* En savoir plus.
En application de la législation en vigueur **, il
appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation
sur l'intérêt d'accorder ou non la nationalité française à l'étranger qui la
sollicite sa naturalisation par décret. Dans le cadre de cet examen
d'opportunité, il peut légalement prendre en compte, sous le contrôle du juge
de l'excès de pouvoir, le degré d'insertion professionnelle et d'autonomie
matérielle du postulant, ainsi que le caractère suffisant et durable des
ressources lui permettant de s'installer durablement en France.
En l'espèce, pour exercer ce contrôle de l'excès de
pouvoir par l'erreur manifeste d'appréciation, le juge relève que :
M. SENHOME D. justifie être employé de façon continue,
depuis un peu plus de sept ans, dans le cadre de contrats à durée déterminée,
renouvelés à chaque début d'année scolaire par son employeur en qualité d'agent
de maintenance dans les lycées;
M. SENHOME D. justifie, par ailleurs, sur cette même période
d'une rémunération moyenne mensuelle d'environ 1 250 euros.
Le juge en conclut que la seule circonstance que ses
contrats à durée déterminée du postulant soient interrompus au terme de chaque
année scolaire n'est pas de nature à remettre en cause le caractère pérenne de
son emploi.
Sur les faits et la procédure, ils sont relativement
simples. M. SENHOME D., ressortissant sénégalais, a formulé une demande de
naturalisation qui a fait l'objet d'un ajournement par décision du sous-préfet
de Saint-Denis. Cette décision a été confirmée par une décision (de 2017) du
ministre de l'intérieur.
M. SENHOME D. a demandé au tribunal administratif d'annuler
la décision (de 2017) par laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux
ans sa demande de naturalisation.
Par un jugement de juin 2020, le tribunal
administratif a annulé cette décision.
A l'occasion du réexamen de la demande de
naturalisation de M. SENHOME D., le ministre de l'intérieur a décidé, en
septembre 2020, d'ajourner à deux ans sa demande au motif que l'examen de son
parcours professionnel, apprécié dans sa globalité depuis son entrée en France,
ne permet pas de considérer qu'il a pleinement réalisé son insertion
professionnelle puisqu'il ne dispose pas de ressources stables.
De nouveau, M. SENHOME D. a demandé au tribunal
administratif d'annuler la décision de septembre 2020 par laquelle le ministre
de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.
Par un jugement du 21 juin 2024, le tribunal
administratif a annulé, à la demande de M. SENHOME D., la décision du ministre
de l'intérieur et lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de
naturalisation de D. SENHOME dans un délai de deux mois à compter de la
notification du jugement. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce
jugement.
Pour rejeter l'appel du ministre de l'intérieur, la
cour administrative d'appel estime qu'il ressort d'un examen approfondi des
pièces du dossier de M. SENHOME D., qu'il justifiait être employé, de façon
continue, en qualité d'agent de maintenance dans les lycées, depuis 2013, dans
le cadre de contrats à durée déterminée, renouvelés à chaque début d'année
scolaire par son employeur.
Par ailleurs, sur cette même période, M. SENHOME D.
justifie d'une rémunération moyenne mensuelle d'environ 1 250 euros.
Des pièces du dossier, il ressort également qu'il
donne entière satisfaction dans l'exercice de ses fonctions et que son
employeur atteste que sa manière de servir lui ouvrirait la perspective d'une
titularisation.
Ainsi, la cour retient, comme précédemment relevé, que
la circonstance qu'à la date de la décision ministérielle, en septembre 2020,
le contrat à durée déterminée de M. SENHOME D. n'a pas été renouvelé, n'est pas
de nature à remettre en cause le caractère pérenne de son emploi, dans la
mesure où ce dernier a pu reprendre son activité professionnelle auprès du même
employeur à compter de septembre 2020, après avoir été placé en congé de
maladie pour une affection de longue durée. Au surplus, M. SENHOME D. a signé,
en août 2021, un contrat à durée indéterminée avec le même employeur. Dans ces
conditions, en considérant que M. SENHOME D. ne justifiait pas d'une insertion
professionnelle suffisante lui procurant des ressources stables et en rejetant,
pour ce motif, la demande de naturalisation présentée par l'intéressé, le
ministre a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
La Cour relève que résulte de ce qui précède que le
ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le
jugement querellé, le tribunal administratif a annulé sa décision (de 2020) et
lui a enjoint de procéder au réexamen de la demande de M. SENHOME D.. À suivre!
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autres spécialités, n'hésitez pas à demander conseil à votre avocat.
** L'article 48 du décret n° 93-1362 du 30 décembre
1993 est ainsi libellé : « Dès réception du dossier, le ministre chargé des
naturalisations procède à tout complément d'enquête qu'il juge utile, portant sur
la conduite et le loyalisme de l'intéressé.
Lorsque les conditions
requises par la loi sont remplies, le ministre chargé des naturalisations
propose, s'il y a lieu, la naturalisation ou la réintégration dans la
nationalité française. Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, il déclare
la demande irrecevable.
Si le ministre chargé des
naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la
réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également
en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une
fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le
juge opportun, de déposer une nouvelle demande.».
L'article 21-15 du code civil est ainsi libellé : « Hors
le cas prévu à l'article 21-14-1, l'acquisition de la nationalité française par
décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret
à la demande de l'étranger ».
Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie
tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la
somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les
dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles
demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de
la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes
considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ».
En vertu de cette disposition, est prononcée, en
l'espèce, et plus généralement en matière de contestation d'une décision
d’ajournement d'une demande de naturalisation par décret, lorsque le recours
prospère, une condamnation de l'Etat à verser une somme qui varie de 1 200 à 1
500 euros.
En droit des étrangers et en droit de l'asile, entre
autres spécialités, n'hésitez pas à demander conseil à votre avocat.
Source :
24NT02434
Maître TALL Amadou
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B / Commet
une erreur manifeste d’appréciation le ministre de l’intérieur, qui fonde sa décision ajournant, pour une
durée de deux ans, une demande de naturalisation sur des faits non établis avec
suffisamment de certitude, comme le comportement de la postulante, la partie
requérante, considéré comme sujet à critiques uniquement à partir de faits
qu'aucune pièce du dossier ne permet de regarder, avec suffisamment de
certitude, comme des faits de violence imputables à celle-ci.
En effet, en
matière de naturalisation, ou de réintégration dans la nationalité française, si
le ministre de l’intérieur dispose d'un large pouvoir d'appréciation, il peut,
dans le cadre de cet examen d'opportunité, légalement prendre en considération,
pour apprécier l'intérêt que présenterait l'octroi de la nationalité française,
les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant*.
Encore
faut-il que ceux-ci soient clairement établis avec certitude. C’est en ce sens
qu’une cour administrative d’appel retient que la circonstance que l'avis de
classement sans suite désigne la requérante comme « auteur » n'est
pas, par elle-même, susceptible d'établir l'exactitude des faits dénoncés dans
la plainte déposée par son époux. En effet, la partie requérante, mise en cause
est, jusqu'à une décision définitive de condamnation, considérée comme
innocente. « Dans ces conditions, en se fondant, pour estimer que le
comportement de la postulante était sujet à critiques, uniquement sur cette
procédure relative à des faits qu'aucune pièce ne permet de regarder, avec
suffisamment de certitude, comme des faits de violence imputables à la partie
requérante, le ministre de l'intérieur a, ainsi que l'a jugé le tribunal,
commis une erreur manifeste d'appréciation ».
La cour
rejette la requête du ministre de l'intérieur qui demandait, entre autres, à la
cour d'annuler le jugement du tribunal administratif en tant qu'il a annulé sa
décision portant ajournement de la demande de naturalisation de la partie
requérante pour une durée de deux ans.
Elle
condamne également l'Etat à verser à la partie requérante la somme de 1 200
euros.
Sources :
24NT01629
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En savoir plus.
La partie
requérante a formulé une demande en vue d’acquérir la nationalité française.
Après examen de son dossier de naturalisation, le ministre des naturalisations a
décidé, en application de l’article 44 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993
modifié, d’ajourner sa demande à deux ans pour des faits de violence imputables
à celle-ci.
Dans le
cadre de l’exercice de son droit à un recours administratif, la partie
requérante, par entremise de son conseil, a appelé l’attention de l’autorité
administrative sur son dossier de demande de naturalisation par décret qui a
fait l’objet d’une décision d’ajournement à deux ans afin de voir reformer
cette décision. Mais en vain.
Représenté par
son conseil, la partie requérante, a demandé au tribunal administratif
d'annuler la décision par laquelle la préfecture a ajourné, pour une durée de
deux ans, sa demande de naturalisation ainsi que la décision par laquelle le
ministre de l'intérieur a rejeté le recours formé contre cette décision
préfectorale.
Les premiers
juges ayant fait droit à la demande de la partie requérante par un jugement rendu
en 2024, le ministre de l'intérieur, relève appel de celui-ci, en tant que, par
ce jugement, le tribunal administratif a annulé sa décision portant ajournement
de la demande de naturalisation de la partie requérante pour une durée de deux
ans.
Pour prendre
sa décision portant ajournement de la demande de naturalisation de la
postulante pour une durée de deux ans, le ministre s’est fondé sur une procédure
de plainte.
Cette procédure,
révélée par le traitement des antécédents judiciaires, relative à des faits de
violence, datant de juillet 2013, a entraîné une incapacité de travail inférieure
à huit jours et a donné lieu à une médiation pénale.
En effet,
dans cette affaire, un courriel du vice-procureur chargé du secrétariat général
du tribunal judiciaire de Créteil indique que « cette affaire a fait
l'objet d'un classement sans suite par le parquet de Créteil en décembre 2013
au motif rappel à la loi ».
Il faut
aussi relever que la matérialité de ces faits a été contestée par la partie
requérante.
La cour
retient, qu’il ressort, cependant, des pièces du dossier que dans les suites
d'une dispute conjugale survenue entre la partie requérant et son époux, en
juillet 2013, ce dernier a déposé plainte contre la requérante pour violences
conjugales, déclarant qu'elle l’a agressé… Lors de son audition, la requérante a
réfuté être l'auteur de coups à l'encontre de son époux. Elle a seulement
reconnu l'avoir « attrapé pour qu'il sorte de la voiture » dans
laquelle il s'était installé de manière à l'empêcher de se rendre au commissariat
de police, ajoutant « C'est à ce moment-là que j'ai dû le griffer ».
Au vu des déclarations des intéressés, l’autorité judicaire a donné
l'instruction de convoquer les époux en vue d'une médiation pénale.
La cour
déduit que la circonstance que l'avis de classement désigne la partie requérant
comme « auteur » n'est pas, par elle-même, susceptible d'établir
l'exactitude des faits dénoncés dans la plainte déposée par son époux.
* Aux termes
de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité
française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation
accordée par décret à la demande de l'étranger. ". Le dernier alinéa de
l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de
nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de
déchéance et de retrait de la nationalité française dispose : " (...) Si
le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder
la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la
demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou
des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il
appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle
demande. ".
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