La carte de séjour pluriannuelle talent : les conditions à remplir : les ressources suffisantes du demandeur / Annulation de refus de délivrance ou de renouvellement par la juridiction administrative
Annulation d'un refus de renouvellement par la juridiction administrative (A). D'une carte de séjour à une autre. De la carte de séjour temporaire "Étudiant" à la carte "vie privée et familiale" via la carte de séjour pluriannuelle portant la mention " profession libérale ". Que de chemin ! (B). La possibilité donnée, sous conditions, à des étudiants étrangers de changer de statut en passant de la carte de séjour « Étudiant » à une autre plus avantageuse, la passerelle, est une véritable opportunité. Ce droit s'exerce sous le contrôle du juge administratif (C).
Commet une erreur de droit, le préfet
qui, pour refuser le renouvellement d'une carte de séjour pluriannuelle talent,
" s'est exclusivement fondé sur la circonstance que l'intéressée ne
justifiait pas, au titre de l'année passée (2022), de revenus mensuels au moins
équivalents à 70 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC)
brut, soit 930 euros - contre 755 euros, revenus mensuels pour 2022, sans
prendre en considération les revenus que le demandeur était susceptible de
percevoir pour la durée de validité du titre de séjour demandé" (année +
1).
En effet, il ressort d'un examen
approfondi des pièces du dossier que les revenus de l'intéressée tirés
d'activités artistiques, ont atteint, en 2023, la somme de 14 600 euros, contre
9 060 euros en 2022.
En appel, le juge administratif censure
la décision préfectorale et enjoint au préfet de réexaminer le dossier
(1).
Moralité : Il importe de contester les
décisions de refus de séjour assorties ou non d'Obligation de Quitter le
Territoire Français. Car le séjour se trouve bien plus souvent qu'on ne le
croit au bout de la contestation.
(1). En règle générale, en votre qualité
d'étranger non européen souhaitant travailler - plus de 3 mois - en
France, vous pouvez, sous certaines conditions, bénéficier d'un passeport
talent ou carte de séjour pluriannuelle talent. Si, selon que vous résidez en
France ou à l'étranger, la procédure - les démarches administratives- pour
demander la carte diffère, il vous faut, entre autres, remplir les conditions
suivantes pour l'obtenir :
1. Être, naturellement,
artiste-interprète ou auteur d'œuvre littéraire ou artistique. En effet, comme
son nom l'indique, vous pouvez bénéficier d'une une carte de séjour talent
- profession artistique et culturelle si vous êtes artiste-interprète ou
auteur d'œuvre littéraire ou artistique.
2. Il vous faut justifier de ressources
- moyens de subsistance - provenant de cette activité : une rémunération à
hauteur de 51 % de l'activité d'artiste-interprète ou d'auteur d'une
œuvre littéraire ou artistique : la rémunération devant, au moins, être égale à
1 261,26 €.
Mme Albi répondait à ces critères, en sa
qualité de ressortissante turque, âgée de 30 ans, entrée en France en 2017,
sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " passeport
talent ".
Ainsi, a-t-elle bénéficié de titres de
séjour pluriannuels portant la mention « passeport talent, profession artistique
et culturelle » dont le dernier était valable du 4 août 2021 au 3 février
2023. Le 15 janvier 2023, elle en a sollicité le renouvellement, sur le
fondement des dispositions en vigueur de la législation relative à l'entrée et
au séjour des étrangers et au droit d'asile.
Par un arrêté de juillet 2023, lui
refusant la délivrance du titre sollicité, le préfet l'a obligée à quitter le
territoire français dans un délai de 30 jours, en fixant le pays de
destination.
Ayant relevé appel du jugement du
tribunal administratif de Paris rejetant sa demande, la Cour administrative
d'appel de Paris, après avoir pris en compte les ressources de l'intéressée
dans sa « globalité » : les revenus de l'année en question : 9060
euros en 2022, les revenus que l'intéressée était susceptible de percevoir pour
la durée de validité du titre de séjour demandé : 14 595 euros en 2023 - en
effet, il ressort des pièces du dossier que ses revenus tirés d'activités artistiques,
ont atteint, en 2023, la somme de 14 595 euros, contre 9 060 euros en 2022 - et
relevé qu'elle perçoit chaque année des revenus fonciers d'une location dans
son pays d'origine - lesquels s'élevaient à 24 000 euros au mois de septembre
2023 - estime que, comme le fait valoir l'appelante, le préfet a commis une
erreur de droit en prenant en compte les seuls revenus de l'année 2022 au
regard des dispositions de la législation en vigueur relative à l'entrée et au
séjour des étrangers et au droit d'asile.
Le juge administratif censure donc l'arrêté du juillet 2023, par lequel le préfet de police a refusé à l'appelante la délivrance du titre sollicité, et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.
Pour l'exécution de sa décision (arrêt),
le juge enjoint (ordonne) à la préfecture compétente de délivrer sans délai à
Mme Albi une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer, dans le délai
de 3 mois suivant la notification de la décision, la demande de titre de séjour
de cette dernière.
Enfin, il condamne l'Etat à payer à l'appelante, Mme Albi, la somme 1 500,00 euros.
*
Aux termes de la législation en vigueur relative à l'entrée et au séjour des étrangers et au droit d'asile, dans sa version applicable au litige : « L'étranger qui exerce la profession d'artiste-interprète, (...), ou qui est auteur d'une œuvre littéraire ou artistique (...) se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent » d'une durée maximale de quatre ans, sous réserve de justifier du seuil de rémunération (...) ». Au regard des dispositions en vigueur de la législation relative à l'entrée et au séjour des étrangers et au droit d'asile, il est précisé que lorsque le demandeur exerce une activité non salariée, il doit produire à l'appui de sa demande de titre de séjour les » justificatifs de ressources, issues principalement (au moins 51 %) de l'activité, pour la période de séjour envisagée, pour un montant au moins équivalent à 70 % du SMIC brut pour un emploi à temps plein par mois de séjour en France. (...) ».
Il résulte de ces dispositions qu'un étranger
demandeur d'une carte de séjour pluriannuelle « passeport talent »
doit établir par tous moyens qu'il est en mesure de satisfaire à la condition
de ressources suffisantes, non pas au cours de la période passée équivalente à
la durée du titre demandé, mais sur la période de validité de l'autorisation
qu'il demande. A cette fin, les revenus artistiques des années précédentes
peuvent être utilement pris en compte à la condition qu'ils permettent de
contribuer à déterminer le niveau de ressources futures retirées de l'activité
artistique.
Maître TALL Amadou
Avocat à la Cour d’Appel de Paris
Avocat au Barreau de la Seine-Saint-Denis
23, rue de CARENCY
93000 BOBIGNY
Courriel : av4.tall@gmail.com
Tél. 06 11 24 17 52 – 01 40 12 04 50
Tél. 00336 11 24 17 52 – 00 331 40 12 04 50
(B) C'est l'aventure édifiante de Mme
Sheine LY, surnommée ainsi par respect pour son anonymat, la trentaine, de
nationalité chinoise, entrée en France en 2008, sous couvert d'un visa de long
séjour "étudiant " valable de janvier à avril 2008, qui a été mise en
possession d'une carte de séjour temporaire "étudiant", en 2009,
régulièrement renouvelée jusqu'en novembre 2016, après l'obtention d'un diplôme
de niveau bac +5 au sein de l'Institut français de la mode à Paris en 2012.
Par la suite, elle a bénéficié d'une
carte de séjour pluriannuelle portant la mention « profession libérale »,
valable de février 2017 à février 2021.
Ayant demandé le renouvellement de
celle-ci, en juin 2022, par un arrêté de juin 2023, le préfet de police lui a
refusé le renouvellement de ce titre de séjour, lui fait (OQTF) obligation de quitter
le territoire français, fixé un délai de départ volontaire de 30 jours et désigné
la Chine comme pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Après le rejet de sa demande
d'annulation de cette OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français)
devant le tribunal administratif, le juge appel - rejetant, à bon droit, sa
demande d'annulation du refus de la demande de renouvellement de sa carte de
séjour pluriannuelle portant la mention « profession libérale », le
préfet de police n'ayant pas méconnu les dispositions en vigueur de la
législation relative à l'entrée et au séjour des étrangers et au droit d'asile,
ni commis une erreur manifeste d'appréciation - se fondant sur son droit au
respect de sa vie privée et familiale - estime que, « Mme Sheine LY est
fondée à soutenir que la décision contestée méconnaît les stipulations de
l'article 8 de la CEDH (Convention Européenne de sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés Fondamentales) qui garantissent le respect de sa vie
privée, et doit donc être annulée; (...) eu égard à la durée et aux conditions
de son séjour en France, ainsi qu'à son insertion professionnelle ».
En effet, la Cour relève que :
1. Mme Sheine LY est entrée en France en
2008 sous couvert d'un titre de séjour « étudiant » et a obtenu un
diplôme de niveau supérieur bac +5 au sein de l'Institut français de la mode à
Paris en 2012. Elle a ensuite bénéficié en 2013 d'un changement de statut par
la délivrance d'un titre de séjour « profession libérale » pour
l'exercice de son activité professionnelle de « styliste productrice »,
qu'elle a poursuivie jusqu'à l'édiction de la décision en litige - OQTF
(Obligation de Quitter le Territoire Français) querellée.
2. Après avoir été bloquée en 2020 dans
son pays d'origine en raison de la crise de la pandémie de Covid-19, Mme Sheine
LY est revenue en France en 2022 sous couvert d'un visa long séjour en qualité
de passeport « talent » valant titre de séjour et portant la mention « profession
artistique et culturelle ».
3. A cet égard, du brillant et édifiant,
à plus d'un titre, portfolio de Mme Sheine LY et des différentes factures
versées au dossier, il ressort que cette dernière percevait des revenus issus
de cette activité professionnelle de styliste productrice et qu'elle a
travaillé avec de nombreuses sociétés et marques françaises de renommée
internationale. Parmi celles-ci figurent notamment des célébrités du Luxe
français.
4. Par ailleurs, des différentes
attestations sur l'honneur versées au dossier d'appel, il apparaît que
l'intéressée a noué en France de nombreux liens professionnels particulièrement
intenses au cours de ses diverses collaborations artistiques.
5. Enfin, il est constant que
l'appelante perçoit un revenu locatif mensuel de 777 euros depuis
l'acquisition, par procuration, d'un bien immobilier situé dans le 11ème
arrondissement de Paris, réalisé en février 2021, alors qu'elle se trouvait
retenue au pays d’origine.
Moralité : La contestation est souvent
salutaire. En l'espèce, Mme Sheine LY bénéficiera probablement d'une carte « vie
privée et familiale » qui lui permettra d'obtenir plus facilement une
carte de résident plus avantageuse que la carte de séjour pluriannuelle portant
la mention « profession libérale » qu'elle vient de
"perdre".
*
Aux termes de la législation en vigueur
relative à l'entrée et au séjour des étrangers et au droit d'asile, dans sa
version applicable au litige : « L'étranger qui exerce la profession
d'artiste-interprète, (...), ou qui est auteur d'une œuvre littéraire ou
artistique (...) se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la
mention « passeport talent » d'une durée maximale de quatre ans,
sous réserve de justifier du seuil de rémunération (...) ». Au regard des
dispositions en vigueur de la législation relative à l'entrée et au séjour des
étrangers et au droit d'asile, il est précisé que lorsque le demandeur exerce
une activité non salariée, il doit produire à l'appui de sa demande de titre de
séjour les » justificatifs de ressources, issues principalement (au moins
51 %) de l'activité, pour la période de séjour envisagée, pour un montant au
moins équivalent à 70 % du SMIC brut pour un emploi à temps plein par mois de
séjour en France. (...) ». Il résulte de ces dispositions qu'un étranger
demandeur d'une carte de séjour pluriannuelle « passeport talent »
doit établir par tous moyens qu'il est en mesure de satisfaire à la condition
de ressources suffisantes, non pas au cours de la période passée équivalente à
la durée du titre demandé, mais sur la période de validité de l'autorisation
qu'il demande. A cette fin, les revenus artistiques des années précédentes
peuvent être utilement pris en compte à la condition qu'ils permettent de
contribuer à déterminer le niveau de ressources futures retirées de l'activité
artistique.
**
Aux termes de la législation relative à
l'entrée et au séjour des étrangers et au droit d'asile en France alors
applicable : " L'étranger qui exerce la profession d'artiste-interprète,
(), ou qui est auteur d'une œuvre littéraire ou artistique () se voit délivrer
une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent "
d'une durée maximale de quatre ans, sous réserve de justifier du seuil de
rémunération fixé par décret en Conseil d'État.
Lorsque cet étranger exerce une activité
salariée, la délivrance du titre est conditionnée par la durée des contrats
d'engagement conclus avec une entreprise ou un établissement dont l'activité
principale comporte la création ou l'exploitation d'une œuvre de l'esprit.
La durée minimale exigée pour la
délivrance du titre est fixée par voie réglementaire.
Cette carte permet l'exercice de l'activité professionnelle ayant justifié la délivrance (Article L. 421-20 du CESEDA).
Le point 2.2. du paragraphe 13 de
l'annexe 10 à ce code précise que lorsque le demandeur exerce une activité non
salariée, il doit produire à l'appui de sa demande de titre de séjour les « justificatifs
de ressources, issues principalement (au moins 51 %) de l'activité, pour la
période de séjour envisagée, pour un montant au moins équivalent à 70 % du SMIC
brut pour un emploi à temps plein par mois de séjour en France. (...) ».
Maître TALL Amadou
Avocat à la Cour d’Appel de Paris
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Tél. 06 11 24 17 52 – 01 40 12 04 50
Tél. 00336 11 24 17 52 – 00 331 40 12 04 50
(C) La possibilité donnée, sous conditions, à des étudiants étrangers de changer de statut en passant de la carte de séjour « Étudiant » à une autre plus avantageuse, la passerelle, est une véritable opportunité. Ce droit s'exerce sous le contrôle du juge administratif.
Titulaire d'un Master, une étudiante
marocaine bénéficiaire d'une carte temporaire portant la mention « Étudiant »
a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention « recherche
d'emploi ou création d'entreprise ».
Pour la lui refuser, la préfecture fonde
sa décision sur l'ancienneté de son diplôme d'enseignement supérieur obtenu
depuis plus d'une année.
Le juge administratif censure cette
décision. Il estime qu'en se fondant, pour refuser à Mme Amina B. le titre de
séjour sollicité, sur un point d'une annexe au code de l'entrée et du séjour
des étrangers et du droit d'asile, alors que ce document a pour seul objet de
récapituler les pièces justificatives à fournir selon les catégories de titre
de séjour et ne saurait ajouter une condition supplémentaire à l'octroi du
titre sollicité, la préfecture a fait une inexacte application des dispositions
de la loi relative à l'entrée et au séjour des étrangers et au droit d'asile
(Art. L. 422-10 du CESEDA)***.
*** Mme Amina B., une ressortissante
marocaine, la trentaine, entrée en France en 2017, sous couvert d'un passeport
revêtu d'un visa de long séjour valant titre de séjour portant la mention « étudiant »
a bénéficié de ce statut et son titre de séjour « étudiant » a
régulièrement été renouvelé jusqu'en novembre 2021.
En février 2023, en quête d'une carte de
séjour temporaire portant la mention « recherche d'emploi ou création
d'entreprise », elle a sollicité un titre de séjour sur le fondement des
dispositions en vigueur dans le cadre de la législation relative à l'entrée et
au séjour des étrangers et au droit d'asile (Art. L. 422-10 du
CESEDA).
Par un arrêté de janvier 2024, la
préfète de son département a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait
obligation de quitter le territoire français, fixé un délai de départ
volontaire de 30 jours et le pays de destination de la mesure
d'éloignement.
Mme Amina B. a demandé au tribunal
administratif compétent d'annuler cet arrêté. Par le jugement d'octobre 2024
dont la préfète interjette appel, « le tribunal administratif a annulé
l'arrêté de janvier 2024 et a enjoint à cette autorité de délivrer à Mme
Amina B. un titre de séjour portant la mention « recherche d'emploi
ou création d'entreprise » dans le délai de deux mois à compter de la
notification du jugement et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation
provisoire de séjour avec autorisation de travail, dans un délai de huit jours ».
Par une requête de novembre 2024, la
préfecture, interjetant appel de ce jugement, demande à la cour administrative
d'appel de l'annuler et de rejeter la demande de Mme Amina B.
Comme les premiers juges l'ont retenu, ceux
de la cour administrative d'appel retiennent également qu'en se fondant, pour
refuser à Mme Amina B. le titre de séjour sollicité, sur le point 26 de
l'annexe 10 au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
alors que ce document a pour seul objet de récapituler les pièces
justificatives à fournir selon les catégories de titre de séjour et ne saurait
ajouter une condition supplémentaire à l'octroi du titre sollicité, la
préfecture a fait une inexacte application des dispositions de l'article L.
422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sources : Légifrance N° 23PA047 / 24PA08486 / 24LY03153
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